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Romain Bourdeaux, un expert du jeu

Depuis tout petit, Romain Bourdeaux baigne dans le milieu du basket. Joueur, arbitre, passionné, sa carrière dans le milieu ne fait pourtant que commencer.

Basketteur balle en main. Voilà comment tout a commencé dès l’âge de 3 ans. L’interlude football n’a duré qu’un petit temps, “avec l’hiver, ce n’était pas très intéressant”, d’être dehors comprenez. Alors, avec son frère, les deux garçons se dirigent vers la salle d’à-côté, où réside le CJS Geispolsheim. Le début d’une histoire qui n’a pas encore fini d’être contée aujourd’hui. 

Si ce n’est du côté club, “en benjamins, je suis parti à l’Elec’, jusqu’en séniors. J’aurais pu rejoindre la CTC Baz à un certain moment mais cela ne s’est pas fait car j’avais déjà commencé à prioriser l’arbitrage et aujourd’hui, je n’évolue plus qu’avec l’équipe universitaire”. Un basket bien différent de ce que Romain a pu apprendre et pratiquer en club, mais lui y voit un tout autre intérêt : “C’est important pour nous, arbitres, de continuer à jouer et ainsi, de rester proche du jeu”. 

Au sifflet dès 14 ans

Car oui, s’il a rapidement mis de côté la possibilité de devenir joueur professionnel, Romain excelle aujourd’hui dans un autre registre : l’arbitrage. Un nouveau maillot qu’il a endossé dès ses 14 ans : “Lorsque j’arrive à l’Elec’, je me blesse en fin de saison au talon, une maladie de croissance – la maladie de Sever pour être exact. J’étais à l’arrêt trois mois”. Autrement dit, quelque chose d’impossible pour lui : “Le club et Maxime Languille m’ont alors proposé d’intégrer l’école d’arbitrage. Moi, j’étais ravi de pouvoir faire quelque chose malgré ma blessure. La première séance, je suis arrivé, j’ai pris note de tout. Avant la deuxième séance, tout avait été remis au propre, comme un bon faillot (rires). Plus sérieusement, j’ai de suite accroché”. 

Avec des explications simples à cela, “ce rôle t’offre la possibilité de décider, d’être un acteur important du jeu et de pouvoir participer à son bon déroulement. Je ne pensais pas que j’allais autant aimer cela”. Aujourd’hui, l’aspect arbitrage est devenu un élément important dans la vie de Romain. Et il se souvient bien de ses débuts aussi : “J’ai commencé dans le dur, en appliquant le règlement à la lettre. Mon premier match sifflé a été une rencontre de poussins. L’occasion pour moi de donner ma première anti-sportive”, se remémore-t-il. 

Le temps passe, il réussit à adapter son jeu et ses coups de sifflet. La maturité aidant, Romain gagne en confiance sur le terrain même lors de passages compliqués : “Certaines rencontres peuvent vite devenir compliquées. Nous voyons parfois des choses difficiles sur les terrains. Avec le temps, j’ai pris de la confiance. Rapidement, je ne ressentais plus d’appréhension au moment de démarrer le match. J’estime que si je suis nommé pour arbitrer un match, c’est qu’on me fait confiance et que j’en ai les capacités. Le basket n’est qu’un jeu au final, c’est ce qui me permet d’évoluer de manière libérée sur les parquets”. 

L’arbitrage ou un autre apprentissage de la vie

Il se souvient aussi d’un match, “où je devais avoir 15 ou 16 ans. Je me suis fait traiter de beaucoup de noms par un spectateur. Cette stigmatisation m’avait marqué, même fait couler quelques larmes. Aujourd’hui pourtant, je remercie cette personne car elle m’a fait progresser et comprendre qu’il faut passer au-dessus des moments comme cela”. 

Puis, il y a aussi ce maillot “différent” à porter, lui qui était plus habitué à en partager un de la même couleur que ses amis : “le regard de mes amis a changé, mais positivement j’ai envie de dire. Ils me voient plus comme un expert du jeu, qui connaît les règles par cœur. J’apprécie quand ils viennent me consulter pour avoir mon avis sur certaines situations”. 

Faire carrière dans l’arbitrage n’est pas chose aisée. De son côté, Romain évolue et grimpe les échelons de manière assez rapide. D’arbitre club, il vogue vers le niveau régional puis devient stagiaire fédéral : “très vite, je voulais voir au-dessus du niveau auquel j’évoluais”, complète-t-il. Au point de vouloir devenir professionnel ? “Non, pas au début. Les choses ont évolué depuis mais ce n’était pas l’objectif initial”. 

Il se sert aussi de ce qu’il apprend lors des stages et formation pour progresser, sûr et en dehors des terrains. “L’arbitrage, c’est un peu l’école de la vie. Je fais beaucoup de parallèle entre les deux. Je me suis aussi construit à travers tout cela, dans le leadership, l’esprit d’équipe, la prise de décision ou encore la gestion de la frustration”. 

Avantage 3×3

Son début d’aventure dans l’arbitrage, Romain l’a construit avec le 5×5. Avant de bifurquer vers le 3×3 : “Il y a énormément de différences entre le 5×5 et le 3×3. Ce ne sont pas les mêmes règles ni la même manière d’arbitrer, de jouer, de gagner aussi. Pour moi, le 3×3 est plus tourné vers le spectacle, le show. On a envie que les joueurs et joueuses s’expriment. Notre but à nous, en tant qu’arbitre, c’est de laisser jouer”. 

Il y a également le côté relationnel. Plus proche, plus festif, le 3×3 rapproche plus et semble moins institutionnalisé que le 5×5 : “Nous parlons plus avec les acteurs. Notre présence sur un terrain est plus collaborative, nous essayons d’accompagner avec la voix pour siffler le moins possible”. Mais comme Romain le répète, “laisser jouer ne veut pas dire laisser faire”. 

Avec autour de tout cela, un esprit très familial : “Certaines personnes que je côtoie dans mon activité d’arbitre sont devenues de vrais amis aujourd’hui. Au début, ce n’était que du basket mais aujourd’hui, le basket n’est qu’un prétexte pour se retrouver. J’y ai même vécu des moments très forts de partage suite à un événement personnel. Il n’y avait plus cette barrière entre joueurs, arbitres ou techniciens, seul l’humain avait sa place”. 

Travail et plaisir

Pour son avenir, Romain ne met pas de côté le 5×5. Loin de là. Il a pu s’y remettre lors son passage à Barcelone, “j’aime les deux disciplines mais le 3×3 occupe une plus grande place dans mon coeur. Je fais partie du groupe Elite France à ce jour et je travaille pour progresser et aller encore plus loin”. 

Avec en ligne de mire, les JO 2024 ? “Ce serait un rêve mais je n’ai pas encore le niveau. Ils arrivent un peu trop tôt, c’est dommage”. Alors, Romain continue de travailler. Vidéo, scouting, tout ce qui peut lui permettre de continuer à rêver plus haut et à grimper les échelons pour atteindre son meilleur niveau. 

Crédit photo : Juliette Servant – FIBA 3×3