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Ludovic Beyhurst, rebond monténégrin

Après plus de vingt ans passés sur les parquets français, Ludovic Beyhurst s’est “exilé” pour la première fois cet hiver, du côté de Podgorica, au Monténégro.

Qu’il semble déjà loin le temps où l’on pouvait admirer la vitesse et le jeu du jeune meneur local sur le parquet du Rhénus. Débutant à Geispolsheim, formé à la SIG Strasbourg et à l’INSEP, il est alors un visage connu et reconnu de la formation alsacienne.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Le jeune meneur rejoint “Limogesheim” en 2019. De bons débuts, une fin un peu plus complexe, “je ne jouais plus. Il était alors plus intéressant pour moi de partir et de trouver une nouvelle solution”. C’est alors que se manifeste Nancy. La Pro B, certes, mais “un club ambitieux qui voulait alors retrouver l’élite du basket français. Je ne pouvais pas laisser passer ça”. Un choix payant puisqu’il dispute 12 matchs avec le SLUC pour 3,1 points de moyenne : “l’équipe tournait bien. J’ai eu besoin d’un temps d’adaptation mais rapidement, j’ai pu trouver mes marques”. Rapidement aussi, des problèmes de santé surgissent, empêchant Ludovic de prendre part aux derniers mois de compétition : “Un vrai coup dur. J’étais revenu ici pour me relancer après une année sans jouer, ou presque, à Limoges. Je voulais me montrer à Nancy”.

Le sacre du SLUC Nancy a beau lui apporter un peu de réconfort, Ludovic est alors confronté à nouveau pépin. Pas musculaire, pas osseux, plutôt sanguin : “ pour résumer, j’avais beaucoup moins de globules rouges dans mon sang. Ce qui veut dire moins d’oxygène et donc, plus de mal pour produire des efforts”. Une situation inédite pour lui, tout comme celle se profilant lors du dernier été : “Avec mon problème de santé, j’étais conscient que trouver un club de Betclic Elite ou de Pro B ambitieux serait compliqué. Je m’y étais préparé. Je voyais tout le monde reprendre les entraînements collectifs et moi, j’étais seul. Je ne pouvais de toute façon pas dire aux clubs que j’étais à 100%, sachant que ce n’était pas le cas”.

Reims, maison, Antibes et Podgorica

Le premier club a poussé pour remettre Ludovic sur les parquets fut le Champagne Basket. Avec l’absence de Mathis Keïta, Thomas Andrieux fait appel à lui début septembre. Une expérience courte, mais riche et positive : “Tout s’est très bien passé. Le groupe était super, je faisais de bonnes prestations mais il n’y avait pas de possibilités de prolonger la pige. C’est dommage. Après un été sans jouer, j’ai vraiment apprécié chaque moment ici. Je voulais me faire plaisir et cela s’est ressenti sur le terrain”.

Après un rapide retour chez lui, ce sont les Sharks d’Antibes qui se manifestent. Toujours pour une pige, Ludovic rallie cette fois le sud de la France pour remplacer Vincent Amsellem, blessé. Ayant manqué de peu la montée l’année précédente, Antibes garde de belles ambitions pour cette saison 2022/2023. De quoi coller avec les attentes du meneur strasbourgeois ? “C’est un club structuré, un beau club. J’ai toutefois eu quelques difficultés à m’adapter au système de jeu mis en place”.

Prévu absent pour une longue durée, Vincent Amsellem revient plus tôt que prévu. Avec l’intérêt croissant de Podgorica et Nebojsa Bogavac, Ludovic décide alors de sauter le pas : “À Antibes, c’était une pige. Elle aurait pu se poursuivre, mais le club et le coach accordent beaucoup de confiance à Vincent et ne souhaitent pas vraiment nous mettre en concurrence. Alors quand l’offre de Podgorica est arrivée, j’ai soumis cela à Antibes et nous avons trouvé une solution pour que je puisse rejoindre le Monténégro”.

Première à l’étranger

Un troisième club en une demi-saison, une première pour Ludovic : “ce n’est pas agréable de changer de club aussi souvent, mais il y a plusieurs raisons derrière cela. Podgorica me proposait un contrat à l’année, avec des responsabilités, cela m’a rassuré. De toute façon, avec déjà deux piges en Pro B, je ne pouvais plus en faire une troisième. Il me fallait forcément un contrat à l’année. C’est ce que j’avais là alors je n’ai pas hésité. Un contrat en Pro B ou Betclic Elite, cela ne serait peut-être jamais arrivé”.  

Cette opportunité de découvrir autre chose que la France, Ludovic l’avait noté dans un coin de sa tête. Peut-être pas de cette manière, mais qu’importe, il avait là la possibilité de retrouver parquet, ambitions et responsabilités. Le tout, dans un pays magnifique, qu’il avoue facilement aimer découvrir : “je me plais à découvrir cette région de l’Europe. Quand je suis arrivé, j’avais un peu d’appréhension. C’est la première fois que je pars seul aussi loin. Mais c’est un pays de basket. Au restaurant, dans les bars, les matchs sont souvent diffusés. C’est une culture différente de la France de ce point de vue-là. Le pays vit pour ce sport”.

D’un point de vue jeu, Ludovic découvre également un nouveau style : “ Il y a des joueurs plus rusés, plus vicieux, qui usent plus du flopping. Certains sont extrêmement adroits. Ils ont un physique standard mais sont capables de faire de grosses séries à trois-points et finir le match à 30 points. Avec les équipes de France jeunes, j’avais déjà pu me faire une idée de ce qu’est le basket ici”.

Sortir des cases

Pour s’acclimater, Ludovic profite de la présence d’un joueur suisse, “qui parle français”, mais surtout de Nebojsa Bogavac, son ancien coach à la SIG Strasbourg : “à mon arrivée, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je ne connaissais pas le fonctionnement du club, les championnats, … J’avais reçu des garanties de mon agent et avec ma confiance envers le coach, tout s’est vite très bien passé. Il m’a accueilli comme son fils, peut-être aussi car lui avait vécu cette situation plus jeune, lors de son arrivée en France. Notre relation va au-delà de celle de coach à joueur”.

Sûr et autour des terrains, Ludovic retrouve avec Nebojsa un coach à qui “je dois beaucoup. Il y a de la confiance et un vrai respect mutuel. Il sait me dire les choses de manière juste. En espoirs, j’avais beaucoup progressé et j’espère qu’ici, ce sera pareil”. Pour pourquoi pas s’affirmer aujourd’hui dans d’autres domaines, d’autres cases.

Sa défense, sa vitesse, voici souvent deux éléments qui revenaient en échos le concernant : “A l’étranger, j’ai l’impression qu’on te met moins dans des cases. Les attentes sont plus importantes en retour, mais en France, quand on te connaît pour quelque chose, souvent, tu restes cantonné à cela”

Objectif ABA League

Travail individuel, spécialisé par postes avec beaucoup de shoots, Ludovic continue de se développer à Podgorica. L’objectif, ou les objectifs, “être dominant dans le championnat domestique. Nous sommes trois équipes prévues pour les premières places et les autres sont plutôt moyennes. Ce qui fait que le championnat n’est pas très homogène”. Quoique, avec certaines ambiances, ces écarts peuvent vite se niveler : “Certaines atmosphères sont, comment dire, spéciales. Un match, nous l’avons disputé dans une salle où la température ne dépassait pas 10 degrés. Une autre fois, la rencontre a été interrompue car des fans ont lancé des pétards sur le terrain”. Bien loin des soirées connues jusqu’ici.

A côté, le KK Podgorica évolue en ABA League 2, l’anti-chambre de l’ABA League 1 (championnat qui regroupe les meilleurs clubs de Serbie, Bosnie, Macédoine, Slovénie et Monténégro), que le club espère intégrer la saison prochaine : “C’est une compétition intéressante. Il y a de la visibilité au niveau des clubs. Elle se déroule sous forme de bulles où chaque équipe se rencontre une fois. A la fin, il y a un Final 8 pour accéder à l’ABA League 1, notre objectif”.

Et si d’aventure le KK Podgorica y parvient, Ludovic sera-t-il de la partie ? “je ne sais pas. Il faudra étudier les pistes à la fin de la saison. Ce serait bien sûr intéressant pour moi de continuer si l’on monte en ABA 1. Je suis aussi ouvert pour jouer dans d’autres championnats ou pour un retour en France, avec un rôle différent. Je réfléchirai à tout cela le moment venu en prenant en compte tous les aspects qui me semblent importants”. Avant cela, il lui reste de beaux objectifs à atteindre.

Crédit photo : Document remis