Emmanuel Schmitt, du basket, son ADN
Originaire de Mulhouse, Emmanuel Schmitt démarre sa troisième saison à la tête d’Aix-Maurienne, toujours en Pro B. Retour sur une carrière riche, jalonnée d’étapes et de rencontres humaines, mais surtout loin d’être terminée.
Le début de sa carrière d’entraîneur a démarré il y a plus de 20 ans, en 1999 pour être exact. Pour celle de joueur, remonter encore 18 années plus tôt. Cela nous emmène en 1981 et Emmanuel a alors … 15 ans. Quant au basket à proprement parlé, un retour encore sept ans auparavant s’impose.
A Mulhouse, c’est sur les conseils d’un ami de son père qu’il commence à dribbler avec la balle orange : « c’est un peu par hasard que je suis arrivé au basket. A la base, ma famille était plus tournée vers le ski et la montagne. Cela a d’ailleurs été mon premier sport. Jusqu’à 14 ans, je pratiquais le ski alpin. Plus jeune, j’étais déjà grand alors un ami de mon père, dirigeant à Mulhouse, m’a proposé de venir ». Et son histoire avec le basket a démarré.
17 ans de professionnalisme
Si sa taille était alors un avantage, « à 14 ans, j’avais déjà atteint ma taille actuelle », soit 1m94, son adresse n’était pas encore au point : « je n’étais pas spécialement adroit à l’époque. Chose étonnante car c’est sur cette caractéristique que j’ai basé une bonne partie de ma carrière ». Plus tard, son pourcentage à trois-points dépasse allègrement les 40% par saison. Malgré cela, il grimpe les échelons visiblement aussi rapidement que les centimètres s’ajoutent à sa taille, si bien qu’à 15 ans, les portes de l’équipe première s’ouvrent : « il y a exactement 40 ans, avec Jean Galle comme entraîneur ». Une aventure qui a duré trois ans, jusqu’en 1984. S’enchaînent ensuite Avignon, cinq saisons, le Racing à Paris pendant deux ans, une pige à Reims, deux à Evreux et enfin, Chalon-sur-Saône.
En Bourgogne, il y passe en tout neuf ans de sa vie. Cinq comme joueur, quatre sur un banc mais comme toute belle histoire, la fin est parfois plus rude : « En arrivant à Chalon-sur-Saône, le club était en Pro B. Deux ans après, nous étions montés et en Pro A, tout s’est bien enchaîné : du maintien la première année à la quatrième place la troisième ». Avec encore une année de contrat, la route de sa carrière de joueur ne devait pas s’arrêter là, et pourtant : « j’avais l’impression d’avoir exploité tout mon potentiel et j’ai décidé d’arrêter. J’avais déjà commencé à préparer mon après-carrière et le club m’a proposé le centre de formation. Cette nouvelle mission me correspondait bien et j’ai accepté ».
Son histoire chalonnaise
Encore jeune à l’époque, malgré 17 années de professionnalisme derrière lui, passer sur le banc n’a pas toujours fait partie de son plan de carrière : « mais d’une manière générale, je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière. Déjà à Mulhouse, les choses se sont faites naturellement. Je me suis retrouvé avec les professionnels avant même d’y penser. Pour le coaching, c’est pareil. Si cela m’a toujours intéressé, c’est à Chalon que j’ai passé mes diplômes d’entraîneur puis la passion m’a pris lorsque j’ai dirigé leur camp d’été, avec les jeunes ».
Sa carrière d’entraîneur débute donc à Chalon-sur-Saône en 1999, avec les espoirs. Un club qui a compté pour lui : « neuf ans de ma vie, ce n’est pas rien. Puis j’y ai vécu une vraie aventure humaine, avec l’ascension en Pro A. Cette année correspond d’ailleurs aux 25 ans de la montée. Je suis à ce titre triste de les revoir en Pro B ».
Trois ans, avant de prendre la succession de Philippe Hervé à la tête de l’équipe première de l’Élan : « je suis passé après Philippe, qui a laissé une vraie marque au club. J’étais un jeune coach et ce genre de proposition ne se refuse pas. Maintenant, avec le recul et mon expérience, je me dis que je n’étais pas prêt. Mais je n’envisageais pas de dire non à cette opportunité. La fin a été douloureuse, Chalon a beaucoup compté pour moi et j’aurais aimé que cela se termine autrement. Et comme on le dit bien souvent, tu ne deviens un véritable coach professionnel uniquement le jour où tu as été licencié ».
A l’heure suisse
Emmanuel rebondit rapidement, non loin de là mais de l’autre côté de la frontière, en Suisse. Une destination qui peut alors surprendre mais là-bas, il va y rencontrer un franc succès, au point d’arriver jusqu’à la tête de la sélection nationale, en 2004 : « après Chalon, avoir réussi à rebondir aussi vite m’a fait du bien, beaucoup de bien. Ces années ont été très riches sportivement, mais aussi humainement. A Genève, où je suis arrivé en cours de saison, nous avons gagné la coupe de la ligue puis la coupe de Suisse. Les premiers trophées du club depuis 18 ans. En équipe nationale, j’ai aussi retrouvé Thabo Sefolosha, que j’avais signé à l’Élan, avant de le voir s’envoler pour les Chicago Bulls. Cela m’a d’ailleurs permis de faire différents séjours au sein de cette franchise mythique ».
Tout cela, c’était pour la partie sportive. Comme avec Dominique Juillot à Chalon, l’entraîneur alsacien développe une réelle relation avec son président d’alors, Jean-Jacques Lafont. Mais en 2008, il devient son « patron » d’une autre manière. Le basket, Emmanuel va le ranger dans un tiroir de sa vie pour en ouvrir un nouveau, plutôt inattendu : « Jean-Jacques était le patron d’un grand groupe de distribution de pièces automobiles. Après plusieurs interventions au sein de son groupe sur des problématiques de management dans le monde du sport, il m’a proposé de rejoindre le groupe, à plein-temps. J’ai alors tourné la page ». Et sa carrière à 180°.
Comme lorsqu’il était joueur, il considère alors avoir fait un bon tour de la question. Centre de formation, professionnels en France et en Suisse, équipe nationale helvète, la liste est bien fournie. Mais seulement de quoi tenir cinq ans… « Trois ans. Ensuite, je commençais à me rendre compte qu’il me manquait quelque chose, ma passion ». Parti de Suisse en 2008, c’est ici qu’il va revenir en 2013. A Neuchâtel plus précisément : « Pendant mon passage en entreprise, j’ai coupé avec le basket, complètement, et je me suis enrichi dans d’autres domaines. Mais je voulais revenir. Rapidement, Neuchâtel s’est positionné et là aussi, j’ai connu une belle aventure ».
Victoire en coupe de la ligue, dix ans après la première, deux finales de championnat de Suisse, une en coupe, « ce qui représente une vraie performance pour le club ». Un second passage de cinq ans, avant qu’une proposition dans le sud de la France n’arrive…
Retour(s) en France
« J’étais très bien à Neuchâtel. Mais mon goût du challenge a fait que j’ai accepté la proposition de Hyères-Toulon. Nous avions construit une équipe intéressante, malgré nos faibles moyens ». Une idée qui se confirme sur les parquets lors des premières semaines de compétition. Avec 7 victoires pour 6 défaites, le club varois s’installe tranquillement en milieu de tableau. Avant que … « La sanction administrative ne tombe sur le club. Trois victoires de pénalité, pour des questions de gestion administrative, nous envoient à la 17ème place. L’équipe ne s’en est jamais vraiment remise, mais nous n’avons pas lâché. Nous sommes restés ensemble, même si les défaites s’enchaînent. Personnellement, j’ai très mal vécu ce passage mais je ne voulais pas le montrer. J’estimais que c’était mon devoir de tenir ».
Relégué en Pro B en fin de saison, le HTV ne partira même plus au sein de la deuxième division française. Les droits sont revendus au Paris Basket et malgré une année de contrat restante, Emmanuel ne poursuit pas l’aventure : « C’était possible, mais je ne préférais pas. Je voulais passer à autre chose ». Et pour cela, quoi de mieux que la Suisse ? Pourtant, sa prochaine halte à Monthey s’achève bien plus vite que les précédentes : « Pour la première fois de ma carrière, il y avait certains différends entre la vision des choses et celles de certains dirigeants. Nous avons alors décidé d’arrêter notre collaboration, bien que sportivement, nous étions dans les clous ».
Troisième année à Aix-Maurienne
Derrière, c’est Aix-Maurienne qui frappe à la porte, « un club avec qui j’avais déjà discuté dans le passé ». A l’époque, cela n’était sans doute pas le bon moment pour que les deux parties se retrouvent. Cette fois-ci, si. Soucieux de faire partie d’un vrai projet, partout où il est passé, Aix-Maurienne incarne peut-être bien le bon club pour Emmanuel. Après deux saisons avec l’objectif du maintien, il est probablement temps de voir l’avenir d’un œil un peu plus ambitieux : « il y a un nouveau président, qui a la volonté d’avancer. Et il le faut, sinon, nous risquons d’être rapidement dépassés. Il y a de belles choses à faire ici, c’est ce qui me motive ».
En Pro B, le club vise encore une fois le maintien, même si l’envie de se rapprocher des Playoffs existe : « La Pro B est un championnat difficile, très homogène. L’an dernier, il ne nous a pas manqué grand-chose pour accrocher la première partie de classement, mais nous n’y étions pas. Le recrutement n’a pas été facile. On sait d’emblée qu’avec nos moyens, certains joueurs sont inaccessibles, alors nous tentons des choses. Si l’on se veut minimaliste, nous visons le maintien. Maintenant, nous souhaiterions ambitionner mieux, comme les Playoffs. Mais cela, il y a 18 autres équipes qui peuvent le faire. Si nous réussissons notre recrutement, avec une bonne énergie autour de l’équipe, un club qui travaille bien et qu’on gagne les matchs qu’on doit gagner, il n’est pas impossible de se dire qu’on peut faire de belles choses. Saint-Quentin et Denain l’an passé en sont les parfaits exemples ».
Pour mener à bien ce projet, Emmanuel pourra compter sur toute son expérience, acquise sur et en dehors des terrains. Avec encore de belles années devant lui, la suite de sa carrière semble pourtant déjà se dessiner : « avoir pu manager dans un autre monde que celui du sport m’a beaucoup apporté, j’arrive à prendre plus de recul et à me rendre compte que dans notre métier, nous sommes en quelque sorte des privilégiés. D’ici quelques années, je n’exclus pas de reprendre une passerelle avec un pied dans le monde de l’entreprise. Mais qu’un seul, l’autre sera dans le sport ». Quand on vit cela depuis 40 ans, cela devient clairement votre ADN.
Crédit photos : Myriam Vogel