Les centres de formation, entre jeunesse et professionnalisme
Passage presque obligé pour continuer à rêver d’accéder au monde professionnel, les centres de formation occupent une place importante dans la progression des futurs joueurs. Décryptage avec Emmanuel Hoerter, responsable du centre de formation de Charleville-Mézières en LFB et Patrice Koenig, qui a occupé ce poste à Châlons-Reims (Jeep Elite) durant cinq ans.
Lorsqu’il a rejoint le club de Châlons-Reims en 2014, Patrice savait que la tâche ne serait pas simple : « Nous partions d’une véritable feuille blanche, tout était à construire ». Une véritable aventure se dressait face à lui, mais avant tout, il débarquait avec son centre dans un nouveau monde plein de concurrence : « Il est vrai que la concurrence entre les centres est de plus en plus forte. A Reims, nous n’avons pas le même cadre qu’à Cholet ou l’ASVEL. Pour pouvoir tout de même attirer des jeunes joueurs chez nous, nous avons créé un projet intéressant, en nous basant sur le projet personnel du joueur, à la fois scolaire et sportif ».
Quelques centaines de kilomètres plus au nord, dans les Ardennes, Emmanuel Hoerter fait lui aussi face à une forte concurrence. Tout en sachant ce qui peut faire la différence dans l’esprit des futures recrues : « Il y a beaucoup de choses qu’un centre peut mettre en avant pour être plus attractif qu’un autre. C’est un peu au cas par cas. Certaines joueuses visent un projet sportif, d’autres plus les études. Pouvoir proposer des études supérieures dans un domaine particulier peut être un plus pour certaines joueuses au moment d’intégrer une structure de formation ». Néanmoins, il assure que « les relations sont toutefois bonnes et les choses se font, en grande partie, en bonne intelligence entre les centres ».
Entraîneur et éducateur
De passage en pleine adolescence, la tête pleine de rêves, les jeunes apprentis du monde professionnel sont suivis quotidiennement. Dans ce cadre, les responsables de centre troquent souvent les plaquettes et basket pour occuper un rôle un peu différent : « Je me définis plus comme un éducateur. Nous assurons le suivi scolaire et intervenons souvent sur le respect de l’hygiène de vie. Entre 15 et 18 ans, le temps de leur passage au centre, nous voyons les filles changer », indique Emmanuel. « C’est un tout, même si tu joues plus souvent le rôle d’éducateur, c’est vrai. Au moins jusqu’à ce que le joueur gagne en maturité et soit autonome dans son travail de tous les jours. Ensuite seulement, tu deviens plus entraîneur », renchérit Patrice.
Sur un plan sportif, la charge de travail quotidienne est lourde et intense : « Nous mettons d’abord l’accent sur les aspects mentaux et physiques. C’est-à-dire être prêts à faire des efforts et préparer son corps pour les déplacements, les enchaînements de matchs et d’entraînements. Ensuite ce sont les fondamentaux, techniques et pré collectifs (jeu réduit, à 2, à 3), et enfin le collectif qui intervient en dernier ». Pour cela, ils s’appuient généralement sur un staff dédié : « À Charleville, nous avons notre propre staff pour le centre. Il nous permet d’être aussi pleinement sur le terrain des détections. Et puis, ce sont des métiers bien différents du monde professionnel. Là-bas, tu veux gagner rapidement. Sur le centre, tu dois continuer à avancer. Les réflexions sont différentes et il n’y a pas les mêmes priorités et objectifs ».
Passage en professionnel ou cursus aux US ?
Néanmoins, les résultats de l’équipe professionnelle permettent, d’une manière directe ou indirecte, de faire rayonner le centre : « L’équipe première, c’est l’image du club. A Charleville, depuis que nous sommes un club européen, ce n’est plus forcément comparable ». A Reims, le maintien successif du club en Jeep Elite, en plus du travail fourni au centre a également permis d’attirer des espoirs provenant de l’INSEP : « Tout ceci nous a permis de créer un projet stable et intéressant qui ont séduit des joueurs comme Jules Rambaut ou Arthur Leboeuf ».
Les passerelles entre les espoirs et les professionnels sont tout autant un atout pour la suite. En général discutée en amont des détections, « il y a une collaboration avec les entraîneurs du groupe professionnel » indique Patrice, les joueurs sont tout d’abord envoyés à l’entraînement, suivant les besoins du groupe professionnel. Ensuite seulement, après avoir fait leur gamme lors des séances de préparation, le staff envisage de les intégrer plus ou moins régulièrement au groupe. Il arrive cependant que certains décident d’aller voir ailleurs. Les Etats-Unis et ses programmes universitaires ont le vent en poupe : « Si une joueuse est intéressée par les US, on l’accompagne. Mais en ayant fait en sorte qu’elle ait bien pris en compte tous les éléments », précise Emmanuel avant que Patrice ne conclue : « Il y a du pour et du contre. Quand le joueur a des rêves pleins la tête, c’est dur de le garder, mais aller aux US n’est pas un gage de réussite. Par contre, au niveau de la vie, c’est une expérience incroyable. Puis se faire former à l’américaine nécessite bien souvent une adaptation importante quand tu reviens. Et un joueur peut bien entendu réaliser une très belle carrière en passant par un centre de formation, la Nationale 1 ou encore la Pro B ».
Et dans carrière, il y a celle du basketteur mais aussi la partie hors sportive. Si les centres de formation préparent les futurs professionnels de l’élite du basket français, il ne faut pas oublier que très peu de jeunes passent pros. Dans ce cas, dire qu’une mission est réussie se définit un peu différemment : « Que ce soit en termes de basket ou autres, notre mission peut s’appeler réussie quand les filles arrivent à ce qu’elles veulent faire, indique Emmanuel. C’est un équilibre que nous souhaitons trouver avec elles. Avoir le bac est important et si on a pu les développer dans le basket jusqu’à un niveau intéressant, c’est très bien car peu passent professionnelles. Alors si elles gardent toutes les portes ouvertes, c’est que nous avons réussi notre mission ».
Crédit photo : Alain Rauscher


