Frank Curl, un Américain à Gries
Retour au début des années 2000. Une période où Gries évolue en Nationale 2 et n’avait pas encore cette touche espagnole. Mais les Américains étaient déjà présents, et notamment Frank Curl, un intérieur de 2m09.
Qui se souvient des saisons du BCGO, de 2003 à 2005 ? Sinon, quelques noms des joueurs de l’époque devraient vous rafraîchir la mémoire : Nicolas Baechtel, Hervé Huttem, Mehdy Mary, le président Romuald Roeckel, David Robinson ou … Frank Curl. Un solide intérieur de 2m09 qui avait découvert la France quelques saisons auparavant, du côté de Weitbruch ou Longwy.
Ses premiers pas dans le monde du sport outre-Atlantique ne le prédestinaient pourtant pas forcément au basket. De son côté familial, ce seul garçon d’une fratrie de six a pourtant tiré un atout pour la suite de sa carrière, sa taille : « J’ai très vite grandi étant jeune donc le basket s’est vite imposé. Mes parents étaient grands aussi, j’ai 5 sœurs, dont une qui a joué au basket à l’université du Connecticut et notre famille était très sportive. J’ai donc été exposé très jeune à tout cela ».
Du rugby aux USA au basket à Gries
Pourtant, un petit-ami d’une de ses sœurs va le convertir au rugby. D’une pratique bien moins répandue que le basket-ball, Frank va malgré tout se fixer un très bel objectif dans le monde de l’ovalie américaine : « Avant de pratiquer le basket à haut niveau, j’ai eu l’opportunité de jouer au rugby. C’était un petit ami d’une de mes sœurs qui m’a initié à ce sport. J’ai joué à un haut niveau aux US, à Washington DC, et mon objectif était d’intégrer l’équipe nationale des Etats-Unis ». Le virage complet s’effectue lors d’une mise au vert avec son université. Un panier, un ballon orange et Frank s’essaie à quelques shoots qui éveillent l’intérêt de son université.
Il quitte ensuite Washington D.C. pour la Floride avec l’envie de devenir professionnel : « J’ai pu participer à quelques summer-leagues, notamment à Porto-Rico. Ensuite, la possibilité de faire un essai à Longwy s’est offerte à moi. Je n’étais pas le meilleur shooteur, mais mes 2m09 m’ont aidé et je n’avais pas de problème pour courir ou pour encaisser les coups dans la raquette ». L’expérience lorraine ne dure qu’un an, avant qu’il ne décide de mettre le cap à l’est, vers Weitbruch plus exactement : « J’ai connu une première année intéressante à Longwy. C’était fun. Mon ex petite amie était issue d’une famille de Weitbruch et je faisais les trajets AR. En Alsace, j’ai commencé à connaître les gens, être moi-même connu et quand j’ai terminé mon contrat à Longwy, j’ai eu la possibilité de jouer à Gries ».
A Gries, il l’assure, c’était « comme à la maison ». Pourtant, l’adaptation entre les USA et la campagne alsaco-lorraine n’a normalement rien de simple. Si le basket reste un sport universel, Frank a dû s’acclimater à la vie hors des parquets : « Venant des US, où le sport est très orienté performance, je n’étais pas habitué à l’aspect social que l’on peut trouver en Alsace. Quand je suis arrivé au début des années 2000, avec ma mentalité américaine, tout devait aller vite. Le sport, le business, tout. En France, il y a une balance plus importante entre le travail et le temps libre. Les amis, les dîners, on en profite vraiment ».
Basket et boules de neige
Durant deux ans, Frank va vivre une superbe expérience. Couplée à l’ambiance traditionnelle et festive du BCGO, ces années l’ont fortement marqué : « Jouer à Gries fut une superbe expérience. Nous avions une très bonne ambiance. Les soirées d’après-matchs, avec les knacks et le picon, je m’en souviens très bien. Un des souvenirs les plus marrants que j’ai fut après un match, mais je ne peux plus dire face à qui c’était. Il a neigé, beaucoup neigé. Nous avons diné et en sortant, tout était blanc. Nous nous sommes alors lancés dans une grande bataille de boules de neige ». En plus, il suit encore les résultats du BCGO, de Weitbruch et de certains de ses anciens coéquipiers : « Je continue à suivre Weitbruch et Gries, surtout avec mon ami Thierry Mohr et son fils qui joue au basket au BCGO. J’ai toujours des contacts avec les gens du club et je suis heureux de voir comment le club évolue. Certains de mes anciens coéquipiers sont devenus dirigeants, d’autres entraîneurs comme Mehdy Mary ».
Au-delà de Gries, c’est toute la région qui est gravée en lui : « J’aime la région, je reviens dès que je peux, c’est-à-dire deux fois par an en moyenne avant la COVID, pour Noël et durant l’été pour faire du vélo. C’est une chose que j’ai ramené avec moi aux US, cet amour du vélo, grimper le Haut Koenigsbourg ou les sommets alpins. Avec un de mes plus proches amis en France, Thierry Mohr, nous nous revoyons chaque année pour faire du vélo ensemble ».
Un regret peut-être ? « Avec David Robinson, nous étions engagés dans la marque Subway. Nous étions vraiment focus sur notre transition vers l’après-basket. J’y ai passé beaucoup de temps et parfois, je me dis que c’était trop. Nous développions notre business, plutôt que de passer du temps avec mes coéquipiers. Ces souvenirs auraient eu plus de valeur pour moi. Malgré tout, cela reste pour moi un incroyable voyage ».
L’Alsace, jamais loin
A 39 ans et malgré une proposition d’une année complémentaire, Frank décide pourtant de retourner aux USA : « J’ai rejoint mon petit village, 2500 habitants et j’ai fait un petit peu de politique, dans mon comté. Je me suis concentré dessus. J’ai aussi géré un petit marché aussi. Récemment, j’ai ralenti et je me suis recentré sur moi, car je passais trop de temps là-dedans. Je veux rester en forme et protéger ma santé ». Surtout, le basket est maintenant derrière lui : « Je ne m’occupe plus trop du basket. J’ai aidé à l’ université, mais j’ai arrêté. Il y a beaucoup de pression aux US sur le sport, notamment avec les bourses. Les parents mettent beaucoup de pression sur les enfants et je passais plus de temps à traiter avec les parents que les enfants et je ne m’y retrouvais pas ».
Et lorsque ce n’est pas lui qui revient en Alsace, ce sont ses amis qui viennent le voir : « Thierry est venu me voir l’an passé durant l’été. Naturellement, nous sommes allés faire du vélo. Nous avons grimpé le Pittsburgh Dirty Dozen, où je détiens un record : celui de l’homme le plus grand à l’avoir réussi (rires) ».
Difficile il est vrai de résumer plus de deux années en une trentaine de minutes d’entretien. Des souvenirs, Frank en a beaucoup mais résume tout cela aussi simplement que sa personnalité l’est : « Au final, tous mes souvenirs sont bons. Ces amitiés qui tiennent encore aujourd’hui, après 20 ans, c’est formidable. J’aimerais vraiment remercier les gens que j’ai croisés ici et sans hésiter, je peux dire que la France et l’Alsace font partie de qui je suis aujourd’hui ».
Sur la longue liste des supporters qui attendent la réouverture des salles au spectacle, Frank vient de s’ajouter. Mais nul doute qu’à Gries ou à Weitbruch, il aura lui une place très spéciale dans les tribunes, et pas simplement car il mesure 2m09.
Crédit photo : BCGO