Speakers sans retour
Ils sont les voix du BC Souffelweyersheim et du BC Gries Oberhoffen. Comme beaucoup d’autres, en Alsace et en France, ils sont présents lors de chaque match et font plus que jamais partie du jeu aujourd’hui.
« Aujourd’hui, les salles sonnent creux. Le basket, sans supporters, c’est triste » analyse Louis Lapp d’entrée. Au BCGO depuis de nombreuses années, il est un habitué de la Forest Arena. A Souffelweyersheim, c’est Jean-Pierre Poinsot qui assure l’ambiance les soirs de matchs. Au club depuis deux ans, il n’a pour l’heure connu le BCS qu’en Pro B : « Nous avons commencé à travailler ensemble après la montée du club en Pro B. Je travaille chez RFM et je suis en Alsace depuis trois ans maintenant. J’ai découvert ce métier de speaker avec le BCS ». Louis assure ce rôle depuis plus de 25 ans. La SIG Strasbourg a déjà pu bénéficier de ses services, le WOSB aussi, avant que ce passionné d’athlétisme ne mette le cap quelques kilomètres au nord, vers Gries.
Un écho inhabituel
En temps normal (chose qui, avouons-le, semble loin), les deux speakers profitent d’une belle atmosphère au sein de leurs chaudrons respectifs. Que ce soit à la Forest Arena ou aux Sept Arpents, l’ambiance (et les décibels) peut très vite monter. Si cela vient souvent des joueurs, lors d’actions de classe, ou d’un scénario hitchcockien du match, les deux hommes jouent également un rôle majeur dans le climat des soirées basket alsaciennes : « Avec le public, il y a une réaction. C’est lui, au final, qui met l’ambiance dans la salle et qui pousse son équipe » indique Louis. « Le vrai challenge, c’est de faire bouger la salle. L’avantage quand tu as un public en face, c’est que tu sais de suite si tu es dans le vrai ou non. Tu peux donc gérer, déplacer le curseur pour faire répondre les spectateurs. Le scénario du match peut aussi changer ton approche de l’animation. A Souffel’, le club a globalement de bons résultats. Cela te donne envie d’en faire plus, pour pousser encore plus les joueurs ».
A ce jour, les deux hommes font face à une salle vide, ou quasiment. Une vingtaine de personnes présentes à chaque rencontre, entre les bénévoles ou les officiels, mais personne pour faire écho à leurs appels ou encouragements : « J’essaie d’en faire moins, mais mieux, glisse Jean-Pierre. Les messages sont plus réduits. C’est surtout lors de la présentation des joueurs ou de certains temps forts et faibles que tu en fais peut-être plus. Il faut malgré tout montrer aux joueurs qu’ils sont soutenus, même sans public ». A Gries, la donne est sensiblement la même : « Notre rôle reste malgré tout important. Sans speaker, sans musique, ce serait terrible alors, nous faisons de notre mieux pour habiller les silences. Les joueurs ont leurs repères avec le public, qui d’habitude répond à nos demandes. Alors, nous actons comme si le public est présent pour ne pas trop déstabiliser les joueurs ».
« Le huis-clos, c’est comme un grand vide qui asphyxie le sport collectif »
La question « à quoi je sers désormais ? » a sans doute traversé l’esprit des deux hommes. Si l’on omet la partie obligatoire car la LNB impose dans son règlement la présence d’un speaker, Louis, par exemple, estime garder un rôle important : « Nous communiquons d’une manière assez proche avec le staff et les joueurs. Par exemple, lors du dernier match, le coach m’a demandé de mettre une musique bien spécifique pour la présentation des joueurs ». Sans doute un détail dans le succès obtenu face à Rouen, mais dans une situation sportive délicate, toute aide est bienvenue. A Souffel’, le club avait décidé de mettre en place certains partenariats ou jeux concours. Des opérations qui n’ont pour l’heure pu aller au bout : « La première saison était une découverte, tu commences à bien connaître ton métier et la saison, subitement, s’arrête. Pour la reprise, nous avions mis des choses en place avec le club, des partenariats pour faire gagner des places de cinéma par exemple. Cela commençait à prendre, mais nous ne pouvions les emmener au bout et c’est frustrant ».
Crédit photo : BCGO / Tom Roeckel
Résilients, les deux speakers sont malgré tout tournés vers l’avenir. Effacer la frustration des derniers mois ne sera pas aisée, mais chacun attend avec impatience le retour des supporters dans les gradins : « Le huis-clos, c’est comme un grand vide qui asphyxie le sport collectif, notamment les sports de salle. J’attends de revivre des matchs avec un public. Ce sera un beau challenge et il y aura un peu de pression ce soir-là, mais nous nous préparons, comme les joueurs, pour réussir ce retour ». A Souffel’, l’envie est identique : « Je pense que l’on vivra le retour du public encore plus à fond. Tout ce qui n’a pu sortir durant cette période, il faudra l’extérioriser, que ce soit de la part du public ou du speaker. Il y aura plus de vie dans la salle, plus d’interaction ».
Crédit photo : Myriam Vogel


