15 ans plus tard, trois fans nous racontent comment ils ont vécu le sacre de la SIG Strasbourg
Antoine, à l’époque, avait 22 ans et était étudiant. Malgré le fait d’avoir suivi la saison de loin, il avait fait le déplacement à Bercy avec ses amis. Monique, déjà membre du Kop de la Wantzenau, maintenant dénommé le Kop SIG Strasbourg et fondé par son mari Thierry en 1994, était aussi là, dans la zone des fans de la SIG Strasbourg. À ses côtés, Arnaud, lui aussi 22 ans, membre du club de La Wantzenau et qui, par la suite, a fait ses gammes au sein des bénévoles de la SIG Strasbourg. Ces trois fans nous ont raconté comment ils ont vécu ce sacre, nous avons croisés ces entretiens pour créer une discussion virtuelle.
Spontanément, qu’est-ce que t’évoque cette année 2005 ?
Monique : Thierry était le responsable du Kop, moi je suivais, d’ailleurs plus pour le relationnel avec les joueurs qui était très fort. Le fait d’être dans le Kop nous a permis de sympathiser avec certains. Au fil de l’année, il y a eu des relations qui se sont créées avec des joueurs et aussi entre supporters. En reparlant de cette équipe j’ai toujours une émotion particulière.
Arnaud : C’est forcément un illustre souvenir ! Même si ça commence à dater, certaines séances et images restent impérissables. J’ai en particulier pleins de souvenirs des demi-finales contre l’ASVEL et forcément de bien meilleures de ce jour de 12 juin 2005 !
Monique : Pour moi, le plus marquant, c’était la demi-finale à l’ASVEL. Je n’oublierai jamais ce match. On a dansé sur le terrain avec les joueurs à la fin pour célébrer ! Pendant la saison, il y avait eu des moments difficiles, mais on sentait qu’il y a avait un vrai groupe.
Avant les playoffs, comment avais-tu trouvé ton équipe ?
Antoine : J’avais suivi la saison, mais de loin. Je n’allais pas beaucoup au Rhénus, seulement quelques fois car j’étais étudiant et j’étais déjà abonné au Racing… mais en tant que fan de sport je suivais tout de même la saison via les articles de presse. En clair, j’étais plus un basketix.
Monique : On n’avait jamais pensé que cette équipe pouvait aller jusqu’au titre. Ce n’était pas de tops joueurs au départ, il n’y avait pas de vraie star. C’était l’ensemble. Comme un puzzle, il y a eu une osmose entre tous ces joueurs. On a des liens toujours très forts avec les frères Jeff et Ricardo Greer. J’ai d’ailleurs la médaille de Champion de France de Ricardo Greer ! Mais aussi avec Aymeric Jeanneau ; on s’écrit toujours avec John Mc Cord, c’est toujours un plaisir de voir aussi Crawford Palmer… Afik Nissim aussi était exceptionnel. En y repensant, on avait une relation particulière avec tous les joueurs que ce soit Hrvoje Perinčić, Steve Payne, Sharif Farjado, Innocent Kere… c’est la seule équipe où spontanément, on se souvient de chaque joueur. On aimerait bien revivre une saison similaire ! Cette équipe était vraiment particulière.
Quel était ton sentiment avant la finale ?
Arnaud : Forcément euphorique ! C’était un jour où le club que je suis depuis de nombreuses années pouvait rentrer dans le prestigieux cercle des »Champions de France » ! Quand tu suis un club qui a connu des difficultés encore quelques années avant, tu te dis que ce match est un événement, une marche à ne pas rater !
Monique : Avant le match, en tant que supporter, j’étais très confiante. Mais, en soit, avant chaque finale j’ai toujours été très confiante même si cela ne s’est pas concrétisé… On était dans la zone du Kop, c’était génial, et Bercy c’est immense…
Arnaud : Concrètement tu ne t’imagines pas perdre ce type de rencontre, mais tu te demandes forcément si ce sera un jour avec, un jour sans, un jour où tout va réussir et si l’alchimie va prendre une dernière fois pour la saison !
Antoine : Je n’étais pas un grand fan de basket, même si depuis j’ai regardé bien plus de matchs. À l’époque, venant du football, je ne comprenais pas que Afik Nissim ne soit pas titulaire. C’est le joueur dont je me souviens immédiatement. Il était vraiment au-dessus du lot. Après, je me disais que s’il n’était pas titulaire c’est qu’on devait vraiment avoir un très bon effectif. Maintenant, j’ai compris que l’important était d’avantage de finir les matchs et le temps total joué. Avant la finale, dans mon souvenir, il y avait plus d’engouement à Nancy, qui était plus réputé, loin de ce qu’on peut voir maintenant. Je nous voyais plus en outsider.
Où étais-tu le soir de la finale et quels souvenirs en gardes tu ?
Arnaud : J’étais sur place, au Palais Omnisport de Paris Bercy, entre temps rebaptisé ! Je m’étais déplacé à Villeurbanne pour le match retour des demis finale et ce match à Lyon reste sans doute un de mes meilleurs souvenirs basket tant l’ambiance, menée par le Kop de La Wantzenau, était bonne. Après ces bons moments, je ne me voyais pas ne pas aller voir la finale ailleurs qu’à Paris!
Antoine : J’ai fait le déplacement organisé par le club, en bus. Comme le match était en après-midi cela se faisait assez bien. On arrive peu de temps avant le coup d’envoi, on remarque aussitôt que Bercy n’est pas blindé. Cela s’explique par le fait que la ligue de basket essayait de trouver la bonne formule pour faire vivre l’événement mais le public parisien n’était pas passionné par une finale opposant deux clubs provinciaux, surtout que la salle fait quand même 20 000 places ! La salle était impressionnante. On voit aussi que les fans alsaciens sont un peu éclatés aux quatre coins de la salle, à l’inverse de ceux de Nancy qui faisaient bloc. On se retrouve tout en haut des tribunes, quand on est habitué au Rhenus cela fout une petite claque. Juste avant le coup d’envoi, avec deux de mes copains, comme la salle n’était pas pleine, on a essayé de descendre pour avoir de meilleures places. Au bluff, en bénéficiant de l’absence de vigilance d’un stadier, on arrive à s’infiltrer tout en bas, on s’est posé au troisième rang en pleine zone VIP ! Comme personne ne nous a vu, on y est resté tout le match. Cela restait un événement assez confidentiel, on était entre Jean-Luc Reichmann, Jean-Marc Mormeck et Stephen Jackson. C’était pas Brad Pitt non plus !
Quel sentiment avais-tu à la mi-temps, lorsque le SLUC gagnait de onze points ?
Monique : À la mi-temps, on était un peu sous le choc.
Antoine : On était un peu désabusé, en fait, on n’y croyait plus trop. En plus, dans les tribunes, on était clairement derrière Nancy. Il n’y avait pas encore une vraie culture tribunes à Strasbourg. On se disait qu’on passait à côté de l’événement.
Arnaud : C’est sur ce type d’écart que la rencontre se joue: soit l’adversaire s’envole, soit tu le colles, et idéalement tu remontes ton retard ! Tu es forcément incertain, mais tu as gardé des souvenirs d’enfance avec des »remontadas » de la SIG Strasbourg venues d’une autre planète: la SIG Strasbourg était menée en match de championnat contre Pau Orthez quelques années plus tôt de 26 points et avait remonté son retard sur les 10 dernières minutes de jeu! Quand tu vis ce type de match, tu te dis qu’à tout moment tout reste quasiment possible !
Antoine : Au début de la seconde mi-temps, on ne croit toujours pas trop à la remontée, mais on se prend au jeu.
Monique : Petit à petit, on revient et on devient complètement euphorique.
Antoine : On surveille fébrilement le chronomètre et sur la fin on est comme des fous ! On était dans une tribune un peu coincée, ils s’en foutaient tous un peu de Nancy ou Strasbourg, on s’est d’ailleurs pris la tête avec nos voisins de derrière qui ne comprenaient pas qu’on soit tous debouts. On se sentait vraiment seul contre tous, c’était un bon souvenir, mais on n’a pas pu vraiment communier avec les autres supporters strasbourgeois.
Monique : Afik Nissim en première mi-temps, n’avait pas forcément bien joué, mais à la fin il a été décisif.
Arnaud : Les souvenirs sont multiples, il y d’abord une phase de stress et d’incertitudes avant la rencontre, puis à l’image de tes protégés, tu rentres petit à petit dans la rencontre, tu deviens angoissé devant la domination nancéienne, euphorique quand la réussite te sourit et forcément une très grande joie quand tu passes devant pour au final remporter le match ! Sur 40 minutes de jeu, les émotions sont aussi intenses que différentes !
Il-y-avait-il un joueur qui t’a marqué particulièrement ? Comment vois-tu ce groupe de joueur, surnommé le Gang de New York ?
Monique : Eric Girard était un des premiers à avoir une équipe avec quasiment que des américains ! En finale, ils n’étaient que trois français a avoir joué, dont Crawford Palmer et Afik Nissim qui avaient la double nationalité ! Du coup, les autres clubs français nous le reprochaient et nous appréciaient moins pour cette raison. Après, personnellement cela ne me dérangeait pas, le plus important pour moi c’est la communion et l’ambiance entre les joueurs.
Arnaud : Souvent en évoquant cette finale c’est le nom de Afik Nissim qui revient.
Antoine : C’est surtout un joueur, Afik Nissim, qui m’a marqué. Quand je voyais jouer l’équipe je ne voyais que lui.
Arnaud : Évidemment son apport sur la fin de match a été indispensable au basculement de cette rencontre, mais j’ai plutôt envie de retenir la performance plus globale de Ricardo Greer sur les match d’avant, ce roc qui nous a permis d’atteindre le sommet et qui a signé sur ces playoffs un des dunks les plus fou que le Rhenus Sport ait connu, sur Hüseyin Beşok, le géant Villeurbannais, en demi finale. Sur la finale, on n’a pas forcément bien joué, mais on a su resserrer les coudes en sortie des vestiaires. Sinon J’ai toujours porté Eric Girard dans mon cœur et sur ce match, il avait été fair-play en avouant que le SLUC de Nancy l’aurait mérité tout autant !
Selon toi, pourquoi ce groupe a-t-il réussi par rapport à tous les autres qui ont perdu en finale ?
Arnaud : La question est difficile, sans doute même impossible tant la comparaison est difficile. C’est déjà une question de formule puisque si les finales avaient continué à se dérouler sur un match, nous en aurions gagner d’autres !
Antoine : Déjà, on a eu de la chance car il y a eu un alignement des planètes avec la formule de la finale en un seul match. Depuis, la formule a changé. C’est compliqué de comparer.
Monique : C’était une équipe chouette, il y avait une superbe ambiance entre eux : on n’avait pas l’impression d’avoir une scission entre les français et les américains ! Il y avait ce fameux Gang de New Yorkais et notre coach exceptionnel Eric Girard qui a fait des warriors d’une équipe qui n’était pas du tout destinée à jouer le titre. Le talent était supérieur dans les dernières équipes que nous avons eu plus récemment, mais je pense qu’il y avait une moins bonne ambiance entre français et américains. Il n’y avait pas une aussi bonne cohésion.
Arnaud : Au-delà de ça, nous avons perdu des finales avec des équipes plus fortes que celle qui a gagné le titre en 2005, mais il a manqué 5 fois le petit plus.
Antoine : Pour moi, la clef de ce groupe, car il n’était pas forcément meilleur que ce qu’on a eu plus tard, c’est peut être qu’il était plus solide mentalement, capable de mieux résister à la pression.
Monique : Si tu veux gagner il faut que tout le monde soit d’accord et qu’on joue le même basket. Chacun arrivait à avoir un rôle dans le collectif. Il faut aussi des leaders, qui fédèrent toute une équipe, c’est ce qui pèche ces dernières années, il n’y avait pas de vrai leader qui tape du poing sur la table quand ça allait mal.
Arnaud : Toutes les finales ont été exceptionnelles en matière d’émotions et même si nous n’avons plus jamais soulevé le précieux trophée, elles ont quand même permis de s’installer au sommet dans la durée.
Qu’est-ce-que tu as ressenti après la victoire et comment as-tu fêté ce titre ?
Arnaud : Forcément une fierté ! Pour le club que je suivais tous les samedis au Rhénus, à la télévision, à la radio c’était un aboutissement !
Antoine : On a pu assister à la remise du trophée en étant aux premières loges! Après le match, les bus ne sont pas partis tout de suite, on a pu retrouver les joueurs à l’extérieur et fêter avec eux.
Monique : Après le match, on a attendu les joueurs, on a pu fêter avec eux.
Arnaud : J’ai des souvenirs d’un groupe de supporters unis devant le POPB à la fin du match et les joueurs, pour la plupart encore en maillot qui nous ont rejoint pour communier et fêter ce titre.
Monique : Puis, ensuite on a pris notre bus. On a fêté durant tout le retour ! Quelques jours plus tard, nous sommes allés les chercher à Entzheim. Il y a eu aussi une petite fête au Rhenus, il y avait une tribune latéral remplie et pour l’époque c’était beaucoup de monde. Maintenant, tout a changé à la SIG Strasbourg en terme d’affluence ! C’est Ludovic (Beyhurst) et son frère qui ont amené la coupe. Maintenant je suis sûr que la salle serait pleine.
Arnaud : Cela reste un souvenir à jamais graver dans ma mémoire et, avec les années qui passent, j’ai forcément une pensée vers une personne qui m’était chère en raison de son exceptionnelle gentillesse et qui m’a, des années plutôt, amené pour la première fois au Rhenus découvrir la SIG Strasbourg et le basket par la même occasion. Sans lui, je n’aurais jamais pu vivre de tels instants, alors merci à Thierry Feltz.
Crédit Photo : SIG Strasbourg