Portraits

Maxime Abah, basketteur en blouse blanche

Il y a maintenant bientôt deux ans, Maxime Abah passait les secondes épreuves du concours de première année de médecine (P.A.C.E.S.), comme 1 800 autres candidats. En parallèle, il venait aussi de finir sa quatrième année au sein du centre de formation de la SIG Strasbourg. Chaque week-end, il a parcouru la France entière pour jouer au plus haut niveau de sa catégorie d’âge. En tant que cadre de l’équipe Espoirs, composée notamment de Ludovic Beyhurst, de Louis Rucklin ou de Quentin Goulmy, il était un membre important d’une équipe qui allait finir troisième de son championnat, soit le meilleur résultat du club alsacien sur les cinq dernières saisons.

Maxime Abah fait partie des joueurs dont l’impact ne se voit pas en regardant seulement une feuille de statistiques. « Mon point fort serait l’intensité que je mets en défense et ma détermination. J’ai détecté cette force quand j’ai été appelé en Équipe de France. Quand des coachs de l’équipe nationale te récompensent pour ton investissement et te le disent, cela a un impact très puissant. » Il a ainsi connu une évolution constante durant ses quatre années à la SIG Strasbourg, tout en étant sélectionné régulièrement en équipe nationale. Il porta notamment le maillot tricolore pour le Championnat d’Europe U16 en 2015, U18 en 2017, ainsi que le Championnat du Monde U17 en 2016. Lors de sa dernière saison au centre de formation, il participa même à la préparation d’avant saison des professionnels, côtoyant cette année-là des internationaux comme Louis Labeyrie.

Pour autant, Maxime n’était pas un prospect attendu. Avant son arrivée en Alsace, il n’attirait pas les convoitises des centres de formation. Il rejoint celui de la SIG Strasbourg dans un certain anonymat. « Le déclic entre les deux venait de mon investissement sur le terrain. Même moi, au début, j’étais choqué que je puisse être appelé en Equipe de France ! L’important c’est de se donner à fond des deux côtés du terrain et être déterminé à l’entraînement et en match. » De toute façon, comme le rappelle Maxime, « Si tu es dans un centre de formation, ce n’est pas pour rien, des personnes compétentes estiment que tu peux le faire. Il faut toujours travailler et progresser. Il faut être prêt pour le jour où quelqu’un va te donner ta chance, car cela arrivera. »

Ses années au centre de formation

Quatre années auparavant Maxime découvrait l’Alsace. « À mon arrivée au centre de formation, je ne connaissais pas plus que ça Strasbourg, je venais de Franche-Comté. Cela a été une belle découverte et j’apprécie la vie ici. On avait un super groupe au centre de formation, cela m’a permis une intégration rapide et facile. J’avais le sentiment que tout était fait pour qu’on soit bien intégré, que ce soit par les joueurs ou les coachs. » Sur le plan du basket, s’entraîner et jouer dès sa première année avec des joueurs tels qu’Anthony Labanca ou Damien Bouquet lui a permis de mesurer la différence de niveau très tôt et est vite devenu une source de motivation. « Cela me poussait à me donner à fond aux entraînements pour pouvoir arriver à leur niveau un jour. » Maxime souligne que le centre de formation mené par Olivier WEISSLER l’a habitué à avoir un niveau d’exigence très haut et un rythme de travail soutenu. « On attendait tous les jours de toi que tu travailles en cours, que tu performes à l’entraînement, en match, que tu progresses techniquement et tactiquement. »

Pour y arriver, Maxime estime avoir toujours essayé de répondre en premier aux consignes et aux objectifs fixés par ses coachs. À ce sujet, il ajoute que tous les techniciens qu’il a connus lui ont apporté des choses différentes, « mais Abdel (Abdel Loucif, entraîneur des cadets du centre de formation de la SIG Strasbourg) est celui qui m’a le plus soutenu et apporté. C’est le premier à m’avoir encouragé pour le basket, mais aussi pour que je fasse médecine. C’est le premier qui m’a dit que c’était possible et qui a cru en moi. Je dois beaucoup à Abdel qui m’a permis de faire ce que je fais actuellement. Abdel avait déjà coaché des filles qui avaient réussi médecine tout en jouant au basket. Il m’avait même présenté son beau-fils qui était aussi en médecine pour qu’il puisse me parler des études. Il s’est vraiment investi pour que je réussisse. Au niveau sportif, son intransigeance et sa capacité à faire que tu donnes tout sur un terrain, à te montrer que ta place n’est pas acquise, nous forment bien pour la suite. Lauriane (Lauriane Dolt ancienne coach de l’équipe Espoirs de la SIG Strasbourg) était aussi une super coach techniquement et tactiquement. Elle nous a permis de nous développer en tant que joueur et de pouvoir évoluer au plus haut niveau. »

Cependant, ce que retient Maxime de cette période, c’est surtout qu’il faut savoir en profiter, « car vivre dans un centre de formation c’est vraiment cool, c’est s’entraîner tous les jours, tu es en permanence avec tes amis. C’est un mode de vie que j’ai vraiment apprécié. C’est quatre ans où j’ai profité un maximum. Maintenant quand j’en parle avec mes amis je me rends compte de la chance que j’ai eu de faire ce que j’ai fait. J’ai un ami qui a un peu le même parcours. Il a aussi joué en Equipe de France de Hockey, il a joué au Canada et il est revenu pour faire de la médecine en France. C’était improbable de trouver quelqu’un qui a connu les mêmes choses que moi, mais cela nous permet d’expliquer ce qu’on a vécu. »

2018, un double cursus : concours de la P.A.C.E.S. et sportif de haut niveau

Son recul et sa lucidité sur son parcours s’expliquent aussi par le fait qu’une carrière de sportif professionnel n’était pas son objectif de vie. « Dès le début, quand j’ai commencé les entretiens et les tests avec les centres de formation, les clubs étaient au courant que je souhaitais faire médecine et ils l’ont accepté. J’ai toujours voulu faire des études scientifiques, c’est aussi comme ça que mes parents m’ont éduqué, le basket c’est bien, mais il faut penser à faire quelque chose à côté. J’ai toujours eu médecine dans un coin de la tête. » Ainsi, en parallèle de ses performances sportives, Maxime continue de se concentrer sur ses études, jusqu’à obtenir une mention Très Bien à son Baccalauréat Scientifique. « À la fin du lycée, soit je faisais une classe préparatoire scientifique, soit je faisais médecine. Le plus simple, entre guillemets, pour faire du basket à côté, c’était médecine, cela m’a aussi aidé dans mon choix. Je m’étais toujours préparé à ça, je savais depuis le collègue qu’après le BAC je ferai des études supérieures. »

D’un point de vue sportif, le début de sa dernière année au centre de formation était difficile pour Maxime, « je voyais vite le retard que je prenais à l’entraînement, mon niveau qui régressait. Mais je me suis dit que c’était un mal pour un bien. À la SIG Strasbourg ils ont toujours été super avec moi car, même si je m’entraînais que deux à trois fois par semaine, Trumo (Nebojša Bogavac, ancien entraîneur de l’équipe Espoirs de la SIG Strasbourg) me faisait confiance et me faisait jouer les week-ends. Louis Feuillas (masseur kinésithérapeute de la SIG Strasbourg) me soutenait aussi et prenait de mes nouvelles pendant toute mon année. Je remercie la SIG Strasbourg de m’avoir donné cette chance de continuer le basket en centre formation alors que j’étais en première année de médecine. »

Au niveau scolaire, Maxime arrive cette fois à faire la part des choses. L’équilibre que lui apporte le sport ainsi que ses bons premiers résultats lui ont permis d’engranger de la confiance et de se focaliser sur son objectif. « Pendant la première année je ne me comparais pas aux autres élèves, car je savais ce que je faisais à côté. Je pense que si j’avais arrêté le basket je n’aurais pas eu d’aussi bons résultats ou même que je n’aurais pas réussi médecine. C’est le basket qui me permettait de me mettre dans les bonnes conditions, d’être bien pour pouvoir travailler. Ce qui me motivait vraiment, c’était le concours. Je travaillais des annales jusqu’à ce que j’y arrive. Comme j’avais bien réussi le premier semestre cela m’a montré que j’avais les capacités pour continuer et réussir. Cela m’a motivé encore plus. En soit, je me suis bien adapté à mon rythme lors de ma première année de médecine. C’est sûr qu’il y avait du stress à un mois des concours, qu’il y avait de la fatigue également car je devais travailler pendant les déplacements, mais ça allait. Pour mener à bien ce double cursus il faut être déterminé, savoir ce qu’on veut et se donner les moyens de réussir. Ce n’est pas en s’investissant à moitié, que ce soit au basket ou dans les études, qu’on y arrive. Cela a toujours été pour moi une évidence donc je n’avais pas le besoin de rencontrer des gens pour me dire que c’était possible. En revanche, beaucoup de gens m’ont dit que ce n’était pas possible. Dans un sens, cela m’a motivé à leur prouver que j’étais capable de le faire. Après, je connaissais mes propres qualités, je savais de quoi j’étais capable, donc il ne restait plus qu’à le faire. Faire du sport de haut niveau demande un sacré degré d’organisation, de savoir ce qu’il faut faire à tel moment et se donner à fond. Quand j’étais à la SIG Strasbourg, ou en Équipe de France, j’ai compris qu’il fallait se donner les moyens pour avoir ce que l’on veut. C’est ce que tu retrouves notamment en première année de médecine : c’est une course d’un an. »

Maxime a une sœur jumelle, Noémie ABAH, qui elle aussi passait cette année-là les concours de médecine. Noémie pratique également du sport à haut niveau : du handball. Elle jouait l’année de ses concours en N1 et évoluait cette année en deuxième division à Besançon. « Il y avait une petite compétition entre nous cette année pour savoir qui allait le mieux réussir, ça aussi cela motive. Elle a eu ses concours avant moi et ses résultats avant moi, il y a toujours une petite rivalité entre nous, mais saine pour nous pousser à faire mieux. »

Son parcours depuis sa sortie du centre de formation

Finalement, Maxime a réussi son objectif en terminant 130ème à la fin de la première année. Pourtant, il a dû affronter une adversité forte, plus de 1800 candidats, dont 46% qui avait au moins obtenu la mention Bien au BAC et 31% de redoublants, dans l’une des 10 meilleures facs de médecine du pays. En parallèle, il a quitté le centre de formation pour aller en N3 à la SIG Strasbourg. « J’ai rejoint cette équipe pour jouer avec Hugo (Danner) et Antoine (Marx), avec qui j’ai fait mon lycée (ndlr : ils sont aussi deux anciens joueurs du centre de formation de la SIG Strasbourg). Je connaissais aussi plus de la moitié de l’équipe, donc c’était facile de pouvoir m’intégrer. » En effet, en plus de Hugo Danner et Antoine Marx, Maxime évolue aujourd’hui avec Xavier Flick et Hugo Gancarski. Ensemble, ils ont gagné deux fois la Coupe de France U17 : en 2015, dans une équipe emmenée par un certain Frank Ntilikina et en 2016.

Cette deuxième année d’études, cette fois sans concours, lui donne envie de reprendre pleinement le basket… mais ses ambitions ont été coupées par une grave blessure. « Au bout de trois matchs (ndlr : en fait 4), j’ai eu une luxation de l’épaule donc cela signifiait pour moi une fin de saison, car j’ai dû me faire opérer en février.” Suite à cette blessure, Maxime a d’abord fait trois mois de rééducation avant de pouvoir se faire opérer. Ensuite, il suit une rééducation pendant cinq mois, avant de pouvoir refouler un terrain de basketball. « On va dire que j’ai passé une saison blanche. »

Son passage du championnat Espoirs à la N3 a demandé plusieurs matchs d’adaptation. « Il y a plusieurs équipes expérimentées, cela court beaucoup moins qu’en Espoirs. Tactiquement, passer par un centre de formation c’est quelque chose de vraiment bénéfique. C’est le jour où tu évolues avec des personnes qui n’ont pas connu un centre de formation que tu te rends compte du bagage tactique que tu as. À la SIG Strasbourg, je pense qu’ils font un excellent travail là-dessus. Techniquement, comme j’ai connu une saison blanche, c’était dur de revenir et de reprendre confiance en moi. Il fallait que je retrouve mes sensations, il y a toujours une appréhension quand tu reprends. Au centre de formation, on nous a appris les bases d’une bonne hygiène de vie, mais on ne voyait pas l’effet direct de ce qu’on nous apprenait. C’est quand je me suis blessé gravement que j’ai compris l’importance de prendre soin de mon corps. Je n’avais pas une mauvaise hygiène de vie, mais j’ai compris qu’il fallait que je sois encore plus vigilant. D’autant plus, quand tu ne fais pas de préparation physique comme tu le fais en centre de formation. Je n’ai jamais eu de préparation mentale, mais je pense que cela peut être vraiment bénéfique, si on sensibilise directement et le plus tôt possible les jeunes. Il faut avoir des capacités quand tu es jeune, mais le mental joue énormément. Je suis loin d’être le joueur le plus technique, mais je suis capable de réfléchir et de comprendre tout ce que je fais et à partir de là, me donner à fond. C’est ce mental qui me permet de ne pas abandonner au premier échec et de continuer de me battre jusqu’au bout. On peut s’entraîner soi-même en se fixant des objectifs précis. À terme, j’aimerais bien jouer en N2, on verra si j’arrive à progresser pour montrer que j’ai le niveau. On va dire qu’il me reste vraiment deux ans pour jouer, car lors de ma sixième année de médecine je risque de réduire un peu le basket, comme il y a un concours à la fin pour choisir ma spécialisation. Je compte progresser sur le plan sportif l’an prochain, même si maintenant c’est différent, je n’ai plus les mêmes attentes, le basket n’est plus ma priorité.

Maxime et ses coachs ont déjà identifié ses axes de progression pour la suite : le dribble et le shoot. « Cela passe par des entraînements supplémentaires, si cet été on a la possibilité, mon coach sera toujours d’accord pour nous faire shooter et travailler. C’est en venant plus tôt et en restant aussi plus tard aux entraînements par rapport aux autres que nous progressons. Au centre de formation on nous a donné les bases. Même si nous ne sommes pas aussi bons qu’un coach, on nous a largement donné les connaissances pour pouvoir progresser. Au niveau du shoot cela passe par de la répétition. Au centre de formation on a appris une centaine d’exercices donc on a toujours un exercice en tête. »

Par la suite, Maxime aimerait rester en contact avec le milieu du sport de haut niveau, « mais on verra après que j’ai mon classement, à l’issue de ma sixième année.” Sur son parcours il reste discret, mais il en mesure les bénéfices « je pense que jouer en centre de formation c’est un parcours qui permet de préparer à endosser des responsabilités. » Aujourd’hui en troisième année de médecine, il a repris le basketball en N3 avant que la saison soit stoppée à cause de la pandémie de Covid-19. Malgré le confinement, il prépare ses prochains examens, qui se dérouleront dans un mois et s’apprête à vivre sa première saison complète en seniors.

Crédit photo : Franklin Tellier / SIG Strasbourg

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