Portraits

Yannick Bokolo, une (première) retraite bien méritée

En France, Yannick Bokolo a disputé plus de 500 matchs, sans compter ses 91 sélections avec les Bleus. De Sarreguemines à Strasbourg pour finir à Pau, retour sur une carrière riche, pleine et réussie.

Son lien avec l’Alsace et son envie de devenir professionnel

Ce sont des beaux souvenirs. Même si j’ai découvert le basket à Sarreguemines, c’est la deuxième région où j’ai pratiqué ce sport. J’ai été formé dans le dur et j’y ai appris la vie. J’ai joué un an à Molsheim puis deux ans à l’Electricité de Strasbourg, et à cette époque à la SIG, ils n’étaient pas forcément mes amis (rires). En même temps, j’ai intégré le pôle espoirs Alsace à Pfulgriesheim. J’apprenais le côté difficile du basket. Mon envie de devenir professionnel a grandi en intégrant l’INSEP. Au début, j’y pensais mais sans en faire un vrai objectif. C’est lors de ma dernière année là-bas que la donne a changé. Pourtant, au fond de moi, je n’y croyais pas tant que ça. Je voulais démarrer en Pro B car je ne me voyais pas faire carrière, mais au final tout s’est bien mieux passé. Même à mes débuts au Mans, je ne m’en rendais pas encore compte que j’étais devenu professionnel. Plus tard durant ma carrière, j’ai eu des contacts avec la SIG. Mais je ne suis pas allé plus loin car il y a ma famille ici. Je me disais que j’allais faire plus de choses à côté et que je serais moins concentré sur le basket. J’étais joueur professionnel et je préférais me concentrer là-dessus. Ce n’est pas un regret mais des fois, je me dis que j’aurais bien aimé porter les couleurs de ce club.

Ses seize ans dans l’élite

J’ai joué pour trois clubs dans ma carrière. Le Mans, c’était la découverte, l’apprentissage avec Vincent Collet. A Gravelines-Dunkerque, j’exécutais et je profitais de tout ce que j’ai appris, avec notamment Christian Monschau qui me laissait de la liberté. A Pau, c’est plus de la distribution, du partage. J’étais moins en vue du côté sportif, mais j’essayais de faire part de mon expérience, notamment aux plus jeunes. J’ai gagné des titres partout, sauf à Pau. Même si j’étais venu avec des ambitions, surtout la première année, je n’ai pas tant de regrets par rapport à cela car je pensais déjà à ma reconversion. Le but, c’était de remonter l’image du club et c’est ce qu’on a fait. Nous sommes partis de loin et avons rendu à l’Elan certains de ses lettres de noblesses. J’aurais aimé gagner une Leaders Cup peut-être, c’est vrai. A l’époque avec DJ Cooper, nous en avions les moyens mais bon, nous avons tout de même réalisé de belles choses à Pau. Ma meilleure saison ? Je ne sais plus quelle année mais c’était à Gravelines. Je jouais sans réfléchir. Ça en devenait même facile et j’ai enchaîné avec l’équipe de France derrière pour un championnat du monde (2012). Au final, tous les trois m’ont marqué. Au Mans, j’ai gagné mon premier titre de champion de France. A Gravelines, j’ai eu des titres aussi et j’ai vécu des moments totalement différents professionnellement parlant et à Pau, c’était un grand club avec une grande histoire et il y a eu les derbys contre Limoges, je n’en parle même pas.

L’évolution du basket français

J’ai vu les lignes avancer, reculer, la raquette changer de forme. Le jeu s’est accéléré, un peu plus tourné vers le spectacle, ce qui est logique. L’intensité aussi est montée d’un cran. Ça rend le jeu réfléchi du basket un peu moins présent aujourd’hui. Maintenant, il faut agir plus vite alors qu’avant, par exemple après un rebond offensif, tu avais plus le temps pour repenser l’action, savoir qui tu vas mettre dans l’action. Maintenant, tout va plus vite et ça change le profil du basket.

Ses envies d’étranger

J’ai tenté ma chance mais ça n’a pas fonctionné, pour la Draft en 2007 notamment où je ne suis finalement pas passé loin d’un contrat avec Cleveland. A la base, Dallas devait me drafter au second tour, je crois qu’ils avaient quatre picks cette année-là et je devais être leur n°3 ou 4. Mais j’ai préféré renoncer finalement car j’étais en contact avec Cleveland et j’avais plus de chances d’aller là-bas. J’ai pris part au camp pour la Summer League, nous étions 40 et il fallait 8 joueurs, de mémoire. J’ai été sélectionné puis après la Summer League, le coach des Cavs était prêt à me signer. Seulement, lors d’une réunion entre les dirigeants de la franchise, le choix a été fait de prendre un meneur plus expérimenté et c’est Delonte West qui a été choisi. Puis à Séville aussi, j’avais fait de très bons matchs amicaux, même meilleurs que certaines performances que j’ai pu faire en France, mais ce n’est pas allé plus loin. J’ai eu d’autres propositions qui arrivaient souvent en décembre, de l’Italie ou de la Russie. Mais quitter mon confort, même pour plus d’argent, ce n’était pas ce qui m’intéressait. Malgré cela, j’aurais bien aimé jouer en Espagne, en Turquie ou aux Etats-Unis bien sûr. Après en fin de carrière, la Chine, le Japon ou l’Amérique du Sud, quelque chose qui tranche avec notre culture basket m’aurait aussi plu.

Les Bleus

Ce que j’en retiens, c’est qu’une fois que tu y es, tout devient possible. Je me suis bien adapté à l’équipe. On se dit toujours que c’est une montagne mais le plus dur reste d’y entrer. Ensuite, tout le monde peut mettre en avant ses qualités. Pourtant, en début de carrière, je comparais l’équipe de France à un mythe, je n’y pensais pas et je trouvais ça tellement loin. Pour moi, elle ne faisait pas partie de mon monde. Heureusement que j’étais jeune quand je l’ai intégrée car sinon, cela m’aurait fait trembler. Je me voyais plus en NBA par exemple qu’en équipe de France, je la situe au-dessus de tout. Représenter la nation, tu chantes l’hymne, je ne pensais regarder cela qu’à la télé.

Ses souvenirs

Quand j’étais jeune, mon premier titre national avec la sélection Bas-Rhin reste un de mes meilleurs souvenirs. C’était à Pornichet et je n’ai jamais revécu une sensation pareille. En professionnel, la dernière semaine des As à Pau, avec Gravelines. On joue Roanne et nous étions menés de 19 points je crois à la mi-temps. Dans les vestiaires, je pousse une soufflante sur mes coéquipiers comme jamais je ne l’avais fait. Au final, on a gagné le match et la semaine des As. Un superbe souvenir. Au niveau des joueurs, il y en a avec qui ça va au-delà du basket. Amara Sy, Alain Koffi, Pape Philippe Amagou ou encore Jean-Michel Mipoka. Ce sont des coéquipiers, sur ou en dehors du terrain, qui sont géniaux. Puis il y a les étrangers avec qui j’ai joués, Ben Woodside, Dwight Buycks notamment ou encore DJ Cooper, pour son jeu. Tous ces joueurs avec qui j’ai pu évoluer et qui m’ont tellement appris. Et en y réfléchissant encore plus, j’ai tellement de noms à donner, je pourrais faire une équipe française et une équipe américaine. J’ai fait plusieurs années aux mêmes endroits donc j’ai vu beaucoup de joueurs passer. Mon plus grand regret ? Je dirais peut-être avec l’équipe de France, en 2009, au championnat d’Europe. On joue l’Espagne en quart de finale, on est dominé et on revient. Tu sens que ça peut passer et finalement non, celle-ci a fait mal. D’autres matchs m’ont fait mal mais celui-ci, je m’en souviens particulièrement.

Sa nouvelle vie

Ma seconde carrière est un peu au point mort à l’heure actuelle, dû à la situation. Je devais débuter un nouveau poste le 17 mars, mais le confinement ayant débuté la veille, c’est pour l’heure reporté. Mais j’ai eu mon diplôme en informatique et je reprendrai l’activité par la suite. Sinon, je m’occupe de ma famille qui se porte bien. Le temps est long mais ce n’est vraiment pas la plus grande difficulté du moment. Pour le basket, j’ai complètement tourné la page. Je n’ai pas vraiment rejoué depuis mon dernier match. Je n’exclus pas d’y revenir un jour mais pour l’instant, je l’ai mis de côté pour me concentrer pleinement sur ma reconversion.

Crédit photos : Eric Traversie / FIBA

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